AVERTISSEMENT !

Chers amis, chers confrères,

Pour avoir, légitimement, le nez collé à la vitre de notre avenir strictement économique, alimentaire même, il ne faudrait pas oublier le désastre sociologique, culturel qui est tapi derrière ce qui nous arrive.

Les discothèques ont une fonction sociale évidente et constituent bien souvent la seule ouverture sur la culture musicale (mais pas que …), que ce soit  dans les zones rurales -bien sûr- faute d’autres infrastructures de loisirs ou dans les villes où s’est épanouie une scène musicale vitale pour la créativité. Je vise là, entre autres,  la scène électro et ses dérivés plus immédiats comme la street dance, le hip hop “à la française” et toutes leurs variantes. Les jeunes vont en discothèques pour se défouler, oublier un quotidien abrupt et souvent difficile. Comme disent les psychiatres, ils y “abréagissent”, s’y défoulent et c’est une planche de salut bénéfique pour la société. Pendant que nos jeunes sont en discothèques à s’y amuser, à s’y défouler, ils ne trainent pas leur ennui dans les rues, ne s’y livrent pas à des incivilités comme défouloir.

Il y a quelques années, la Maire de Strasbourg, Catherine TRAUTMANN, Ministre de la culture dans les années 2 000,  l’avait bien compris. Remarquant que le “sport local” traditionnel pendant les fêtes de fin d’année à Strasbourg était, pour les jeunes livrés à eux-mêmes, de brûler des voitures, elle avait eu l’idée de créer aux quatre coins de la ville des discothèques ouvertes les nuits de fin d’année. Deux fois moins de voitures incendiées ! Tout est dit. Notre fonction culturelle -au sens large- et sociale est si évidente qu’il est inadmissible d’entendre aujourd’hui Mme BACHELOT déclarer le 2 Octobre dernier à AVIGNON que “les discothèques ne dépendaient pas du Ministère de la culture mais de celui de l’Intérieur !”

Aborder le monde de la nuit au travers du prisme déformant, grossier et réducteur de la sécurité, de l’hygiène ou de la santé publiques est une erreur politique majeure. L’assimilation de la fête au danger porte en soi les germes de la mort. Elle témoigne, en outre, d’une vision “élitiste” (?!) de la culture que l’histoire a battu en brèche. On ne compte plus les artistes de tous genres qui n’ont pas été reconnus “officiellement” et se sont imposés alors que les ministres de la culture officielle ont été oubliés depuis belle lurette ! Avec cette logique de culture officielle, jamais la Bande Dessinée n’aurait été reconnue comme un art, jamais les grafs de Jean Michel BASQUIAT ne lui aurait reconnu le statut de peintre majeur du siècle ! Oui la musique, y compris de danse est un élément culturel pacificateur, unificateur et créatif. Sans la discothèque qui aurait reconnu le hip-hop, la street dance, la musique de rue. Qui aurait permis aux artistes de toutes origines: black, latinos, caraïbes, rasta, maghreb et j’en passe … ou de toutes nationalités d’imposer leur style, leur musique, leur esthétique ? La discothèque est un lieu de brassage, de métissage, d’accueil de la différence, de l’autre, d’ouverture sur le monde.

C’est aussi un lieu de mélange des classes sociales, des cultures.  Par nature la discothèque est un lieu d’intégration, donc un facteur de cohésion sociale dans un pays pluriel mais aussi déboussolé par la crise économique. Les empereurs romains avaient bien compris que la fête était un élément de stabilité de la société.

Ils procuraient aux citoyens le pain, mais aussi les jeux du cirque “panem et circenses” disaient les Latins. Sans cela pas de paix sociale.

Nos gouvernants actuels devraient intégrer cette dimension. Actuellement la fête est finie. On voit alors les débordements, partout en France. ..J’ai été le premier attiré l’attention sur la mortalité croissante sur les routes depuis notre fermeture. Je ne parle pas des autres débordements style “binge drinking” ou l’essor des drogues. Oui nier le caractère social et culturel de notre fonction, pour ne retenir que l’aspect sécuritaire est une erreur intellectuelle et politique majeure, Madame Bachelot. Mais je pourrais “mettre dans le même sac” beaucoup de nos élus ou responsables publics ! Ils ont un train de retard sur l’histoire. Au nom de présupposés dépassés. Ces mêmes présupposés et préjugés qui leur permettent d’ouvrir, par contre, la porte à 5 000 personnes au Puy du Fou.

Or, la fête ne se saucissonne pas. Il n’y a pas de culturelle officielle qui tienne. La culture et le loisir sont un monde indivisible.

En fermant nos établissements, ils ont condamné des emplois et des entreprises mais ils ont fermé aussi la porte à l’espoir qui se nourrit de la fête. Or un peuple sans espoir est un peuple qui porte la révolte.

Le lien social que nous incarnons se nourrit aussi de rencontres, pas seulement de Facebook et de réseaux. Les live streamings que certains ont mis en place (bravo, au passage à ceux nombreux qui, comme la Cox, l’ont fait pour garder le lien avec leurs clients) ne sont qu’un pis aller. La rencontre n’est pas quelque chose de purement virtuel. Elle se nourrit de contacts. A les interdire abusivement, nos responsables font de nous des robots. Elle est là, la vraie privation de liberté.

Passé les stades de l’entraide, de la résignation, du repli vient le moment de la rébellion.

Et là, les vannes risquent s’ouvrir pour retrouver une destinée plus digne. Mai 68 avait éclaté de cet enfermement, il est vrai d’une autre nature à l’époque. Mais, finalement, l’enfermement par les élites est toujours le même, autoritaire, aveugle, j’allais dire bête.

A un moment, la nature humaine se rebelle et alors les gens, comme l’écrivait le Docteur SCHWEITZER ” protestent par la splendeur de leurs rêves contre une destinée injurieuse.”

Redonnez nous l’espoir et vite ! Les aides ne suffisent pas. La privation esthétique ne peut- être une réponse au désastre économique. Au contraire.

Vaincre est un devoir. Nous gagnerons.

Bonne journée à tous,

Patrick MALVAËS