NOUVELLES MENACES ? Jauge, Masque …

Interview du Président du SNDLL sur FRANCE INFO ce 24 Novembre

Un retour des masques et jauges “serait absolument dramatique”, s’inquiètent les discothèques

par Adrien Toffolet publié le 

À quelques heures d’un nouveau conseil de défense sanitaire qui pourrait aboutir sur un retour de restrictions, le secteur des discothèques craint d’être à nouveau concerné par un abaissement des jauges ou un retour de l’obligation du port du masque. Le risque : de nouvelles fermetures définitives d’établissements.

25 à 30% du parc de discothèques pourrait disparaître selon le syndicat
25 à 30% du parc de discothèques pourrait disparaître selon le syndicat © AFP / Antoine Kremer

Les discothèques ont été de loin les plus touchés par les restrictions sanitaires liées au Covid, et aujourd’hui les dirigeants de ces établissements craignent d’être à nouveau pénalisés ou mis à l’arrêt forcé avec la cinquième vague. Ce mercredi, un conseil de défense est convoqué afin d’envisager de nouvelles mesures pour freiner l’épidémie. Comme pour la quatrième vague, l’exécutif à plusieurs leviers à disposition :  la vaccination (troisième dose et public non-vaccinés), la réinstauration de jauges dans certains lieux à fort brassage de population, et l’obligation du port du masque.

Pour les professionnels de la nuit, le retour à une organisation normale pourrait tourner court : après avoir été le seul secteur contraint à une fermeture ininterrompue pendant plus d’un an, ce n’est que depuis le 11 novembre que les discothèques ont pu profiter d’une jauge à 100%. La crise a fragilisé ou forcé à mettre la clé sous la porte près d’un quart des établissements. Si de nouvelles restrictions leur sont imposées, “ça veut dire qu’il va y avoir encore une centaine d’établissements qui vont fermer définitivement et il va falloir impérativement rétablir les aides“, alerte Patrick Malvaës, président du Syndicat national des discothèques.

FRANCE INTER : A la veille d’un conseil sanitaire qui devrait aboutir sur de nouvelles mesures pour enrayer la cinquième vague de Covid, avez-vous des craintes pour le secteur de la nuit ?

PATRICK MALVAËS : “On appréhende parce qu’on a été habitués à des décisions contradictoires depuis le début de l’épidémie. Or, là, il est question, d’après les recommandations qui ont été faites, de revenir par la jauge qui permet l’accès aux discothèques. C’est un premier point qui est assez grave parce que ça fait 10 jours qu’on nous a autorisé cette jauge à 100%. Les résultats catastrophiques des discothèques montraient qu’elles ne pouvaient pas être rentables à 75%. Que 8 ou 10 jours après, on revienne dessus, c’est un jeu de yo-yo qui serait incongru et qui serait inutilement efficace. Pourquoi inutilement efficace ? Il reste à prouver que le passage de 75 à 100% de la jauge en discothèque soit un facteur de risque supplémentaire pour la propagation de l’épidémie. Je ne pense pas que cette mesure-là soit une mesure de type enrayer l’épidémie. Ce n’est pas 25% de clientèle en plus dans des lieux qui sont ultra sécurisés, comme les discothèques, qui puisse changer grand-chose à l’affaire. Je rappelle par contre que les discothèques, elles, vérifient les pass sanitaires, et vérifient en même temps -et ce sont les seuls- l’identité des clients. Si on va dans les bars et les restaurants, l’identité des clients n’est pas vérifiée et bien souvent même le pass sanitaire n’est vérifié que de façon tout à fait superficielle. Donc, une mesure qui m’apparaît plus essentielle serait d’obliger à vérifier l’identité des détenteurs de pass sanitaires dans les autres lieux publics.

La deuxième mesure qui risquerait d’être aggravante, ce serait l’obligation du port du masque. Il est bien évident que dans les lieux style bars, restaurants et autres, on peut y aller sans masque et se déplacer maintenant sans masque ou pratiquement. En discothèque, le masque a été non imposé parce que nous avions précisément une mesure très coercitive du point de vue sanitaire, avec la vérification d’identité des clients. Alors, revenir sur l’obligation du port du masque en discothèque, pour aller sur la piste, ça semblerait quasiment impossible. Ça signifierait finalement la fermeture des établissements une nouvelle fois. Comme on a déjà eu 18 mois de fermeture ininterrompue, et on est les seuls dans l’économie marchande à avoir subi une telle restriction, ce serait absolument dramatique.”

Les discothèques, à vos yeux, pourraient être à nouveau concernées par des restrictions plus que les autres ?

“Ça prouverait qu’on donne en pâture un marché dont on n’a que faire et que l’on méprise. Or, ce marché, il faut bien voir que c’est un marché qui est ouvert à une clientèle plus jeune, qui en a ras le bol de l’atmosphère anxiogène et qui est revenue massivement en discothèque depuis la réouverture de discothèques. Il y a un besoin absolu des citoyens et des plus jeunes en particulier, de se défouler. Donc, si on leur supprime ça, c’est un mépris non seulement envers le secteur des discothèques, mais aussi un mépris envers la clientèle jeune qui va être injustement pénalisée alors qu’on sait très bien qu’il y a d’autres niches sur lesquelles on pourrait s’attarder. Quand on voit la politique qui a été mise en place dans les écoles, dans les universités, partout où on a supprimé le masque et qu’on le remet petit à petit maintenant, il y a de quoi sourire. Mais le problème c’est qu’on impose des restrictions de façon tout à fait clairsemée et éparse, ce qui fait que ce n’est pas appliqué de façon stricte. J’ai été très surpris quand j’ai entendu Jean Castex, le Premier ministre, dire que ce n’était pas au personnel des bars et restaurants de vérifier les identités. Cette réserve-là, il ne l’a pas eu envers les discothèques. Nous on nous a imposé de vérifier l’identité. C’est assez aberrant. Donc je pense qu’il y a deux poids, deux mesures et il faudrait beaucoup plus de cohésion dans la lutte contre la Covid. Quand on prend une mesure, il faudrait qu’elle soit générale, parce que quand il y a un trou dans la raquette, l’eau passe toujours par le trou. On a poussé, depuis la réouverture des discothèques, systématiquement une communication très, très pointue envers les jeunes pour qu’ils aillent se faire vacciner. Et ils nous ont suivis, ils sont allés se faire vacciner en masse. Les jeunes étaient les moins vaccinés. Maintenant, ils le sont à plus de 80% [88% chez les 18-29 ans – Ndr]. Je pense qu’il y a plusieurs niches, comme les plus de 80 ans qui ne sont pas encore vaccinés, sur lesquelles il faudrait se pencher pour résoudre la propagation de cette nouvelle vague.”

Si ces restrictions viennent à être imposées, que ce soit l’abaissement de la jauge ou le port du masque, que comptez-vous faire ?

“Il n’est pas question de faire des menaces. Il convient de rester lucide et de présenter les faits. Ça veut dire qu’il va y avoir encore une centaine d’établissements qui vont fermer définitivement et il va falloir impérativement rétablir les aides. Ma première action sera de demander aux services de monsieur Alain Griset à Bercy de rétablir les aides pour les exploitants. Ils ont vécu en apnée pendant 10 à 18 mois avec à-coups, on récupère la clientèle, on la reperd, on réembauche du personnel, on le redébauche, etc. Ce sont des charges qui sont absolument intenables pour une entreprise. Donc on va représenter ça et redemander les aides financières. Le gouvernement verra bien avec les données des tribunaux de commerce, l’hécatombe qui a eu lieu dans notre secteur. Avant la réouverture, 400 établissements étaient en règlement judiciaire, liquidation judiciaire ou avec des mesures d’alertes. C’est le quart du parc ! Il se trouve qu’avec la réouverture, il y a eu environ 150 établissements qui ont pu réviser leur position et qui ont pu se sortir de ces procédures, ou qui ont décidé de tenter de continuer leur route. Si on referme et si on reprend des mesures coercitives, il va y avoir une centaine d’établissements supplémentaires qui seront dans le rouge, et à ce moment-là, c’est 25 à 30% du parc qui disparaîtrait. Si on met le personnel au chômage, c’est quand même l’État et nous, tout le monde, qui payons cette facture. Mon premier travail est de faire valoir au gouvernement cette charge économique absolument invraisemblable qui serait imposée aux discothèques et la condamnation à terme d’un secteur qui a déjà eu 18 mois fermé sans interruption.”