VAGUE A L’AME UN SAMEDI … nous rendre la vie la nuit

Chers amis, Chers confrères,

Presque 5 mois que les discothèques sont à l’arrêt et dans l’attente…

L’attente oui car c’est ce qui coûte le plus et n’est pas réparable, ne fait pas partie des “frais fixes” ! Pourtant elle “coûte” !

La discothèque est un genre d’entreprise particulier: elle est certes une véritable (petite parfois) entreprise mais c’est aussi (et pour certains beaucoup) un mode de vie.  Tenir une discothèque implique de partager sa vie, toute sa vie personnelle même parfois, avec les autres, clients, employés et fournisseurs. Nous avons une communauté d’existence avec nos habitués, en tout cas le job consiste à tisser des liens, à les entretenir. C’est bien ce “lien humain” qui manque aussi et beaucoup à chacune et chacun. 

Nous vivons la semaine en fonction du week-end comme dans une attente muette, rassurés quelque part que “le week-end arrive”. Week-end ou vacances ou fêtes, qu’importe. Notre vie est entre parenthèses, rythmée par l’ouverture de notre affaire, les retrouvailles avec la clientèle, la découverte de nouvelles personnes. Il y a une exaltation dans ce métier, une attente perpétuelle qui se nourrit du plaisir de retrouvailles. Et c’est de cela dont on nous prive aussi, rendant encore plus pénible la perte d’un revenu, la “plombant” même comme cela plombe le moral. 

Ce “dommage collatéral” de la fermeture administrative n’est pris en compte par personne. Tenir une discothèque c’est vivre, partager une tranche de vie, pas seulement gagner sa vie.  Je sais que le grand désarroi de beaucoup tient aussi à cela, nos vies sont “amputées” comme vidées d’une part de leur sens. Nous portons aussi chaque jour la nostalgie d’un bonheur perdu. Je ne peux le dire autrement. Rien ne pourra le dédommager.

Cette vie particulière du discothécaire (et de son personnel dont on ne parle pas assez, d’ailleurs) tient au fait que nos vies s’organisent à l’inverse de celle des autres. Je n’ose dire des gens “ordinaires” ou “normaux” car ce n’est pas ma pensée mais pourtant, les autres nous vivent comme des gens à part. Nous travaillons la nuit, eux le jour pendant les week-ends ou les fêtes ou les vacances où, eux, se reposent. Notre labeur consiste à donner du plaisir aux autres et à y trouver notre propre bonheur. Eux, n’ont pas cette dimension humaine dans leur activité. Notre “tempo” est réglé sur les attentes de nos clients Comme la recherche d’un vibrato à l’unisson, pour filer la métaphore musicale. C’est cela être discothécaire: détacher une part de notre vie pour en la partageant faire le bonheur des autres. J’ose le dire, une forme d’engagement si ce n’est de sacerdoce. Si ce n’est une “vocation”, en tout cas, ça le devient.

Donc privés de cet appel d’air de notre clientèle se développe une suffocation silencieuse, oppressante, frustrante.

Quand nous rendrez-vous notre métier, notre personnel et nos clients. Nous avons besoin d’eux. Et pas seulement pour gagner notre vie !

Amitiés à tous,

Patrick MALVAËS