“LES RAISINS DE LA COLERE ” … KIT DE SURVIE !

Mes chers amis,

Dans la ronde des échanges ici ou là, je mesure bien le désarroi qui nous agite tous. Mais je veux garder la tête froide.

J’ai comme l’impression que nous sommes arrivés à un point de rupture … qui ne peut arriver encore à rompre. Notre révolte est immense, elles s’est intériorisée mais cela ne lui enlève pas de sa virulence. Je dirais presque : au contraire ! Analysons pour comprendre.

On nous a arrachés à notre métier, certes difficile, mais qui est fondamentalement un métier de contacts dans lesquels s’est inscrit notre équilibre. Dans le même temps, on nous a privés des ressources qu’il nous procurait.  A cette double frustration s’ajoutent les atermoiements, les fausses promesses, les leurres et  une insupportable attente, durée infinie sans aucune ligne d’horizon. Comme une blessure sans cesse avivée, un sadisme des décideurs qui ne mesurent pas le mal qu’ils font.  On nous fait attendre… Pour tout… Nous sommes une maladie honteuse qu’il vaut mieux ignorer ! Nous sommes les seuls interdits d’exercer, des parias dont on ne respecte pas la souffrance.

Dans le même temps, on assiste impuissants au spectacle affligeant de voir d’autres faire notre métier impunément à notre place ! C’est – et je pèse mes mots, vous le savez bien – comme une suprême humiliation. En tout cas, je le vis aussi comme cela. La loi n’est manifestement  pas la même pour tous, les impératifs de santé qui ont servi à nous condamner ne s’appliquent pas à d’autres, le Conseil scientifique ne se pose aucune question… Bref, la santé des Français, dont nous nous avions admis la priorité, n’en est pas vraiment une pour nos décideurs. Son appréciation est à géométrie variable … Et arrive ce que nous, non scientifiques, avions prévu : des clusters, une reprise épidémique, 9 000 personnes/jour contaminées etc… bref la double peine pour nous car cela diffère encore notre hypothétique réouverture.  L’attente toujours, l’inconnu qui nous est imposé alors que nous sommes aussi des citoyens devant veiller à notre propre santé, à celle de nos familles et de notre personnel. Position intenable.

On nous a promis que “personne ne serait laissé au bord du chemin” mais les belles phrases cèdent devant une réalité difficile. Nos représentants doivent se battre pour obtenir un minimum matériel, un kit de survie. Ils doivent se battre pour qu’il soit attribué à tous sans exception. Ils doivent se battre pour quémander des réponses à leurs interrogations… c’est tout aussi insupportable et le mépris rajouté au mépris alimente notre frustration, notre envie de révolte. Quand il n’y a plus d’espoir, il ne reste que le désespoir, terrible engrenage. En ces premiers jours de septembre nous ne savons toujours pas comment finalement sera appliqué POUR TOUS le décret sur les aides de Juin à Août pour certains ! Incroyable … plus de 6 semaines après nos “accords” pourtant si bien partis. Aura-t-on la mesquinerie, la petitesse dans ce contexte de naufrage d’une filière toute entière, de laisser mourir certains ? Je n’ose y croire. Je les défendrai tant que je pourrai. Pire même, nous savons que nous ne rouvrirons pas en septembre mais nous ne savons toujours pas si nous serons indemnisés plus longtemps et où sera placé le curseur des aides pour la fin de l’année !

La frustration d’un métier qui est notre vie, l’humiliation de le voir faire par d’autres, la non indemnisation équitable dans des délais responsables dans un contexte sans visibilité aucune sur l’avenir, voilà nos “raisins de la colère”, l’explication de ce qui pousse au désespoir.

Vous le savez, je suis d’un naturel serein, déterminé et plutôt confiant. Si je fais ce rappel c’est uniquement pour “planter le décor” de ce qui se passe, risque de se passer mais aussi de notre action syndicale, plus difficile que jamais. J’en appelle à la mobilisation au service de l’espoir constructif. 

Vous avez lu comment certains appellent à manifester le 12, le 18  ou à faire une opération routière à PARIS ou appellent au licenciement collectif de notre personnel, au boycott fiscal… Des collectifs se montent, de nouveaux sites sociaux apparaissent avec comme dénominateur commun : la révolte.Je ne vous étonnerai pas en disant que je comprends et ne peux condamner ces mouvements qui traduisent une vague de fond grandissante.

C’est toujours quand on fait laisse des désespérés devenir des révoltés que surviennent les révolutions, qu’elles soient grandes ou petites d’ailleurs …. Ne vaut-il pas mieux faire comprendre à nos dirigeants ce danger, la nécessité de nous accompagner dans cette terrible épreuve ?

C’est encore notre pari au SNDLL de vouloir gagner, pour plusieurs raisons  (même si je revendique le droit de me tromper, je ne le pense pas encore):

La première est le dialogue avec les pouvoirs publics. Pas facile, mais constant et, même s’il est intermittent, il est de qualité. Actuellement, j’ai jeté les jalons d’une prolongation des aides. Jalons réalistes et parfaitement acceptables par le Ministère de l’Economie. Il faut en parler avec lui. Au plus Vite !

La seconde raison est que des entreprises commencent à “baisser les bras” ou même à “baisser le rideau”. A l’horizon, plus de collecte pour l’Etat mais la charge de licenciements définitifs. Or, le gouvernement n’en veut pas et j’ai décidé (candeur diront certains mais non !) d’y croire encore, oui ! A nous de convaincre, d’illustrer par les chiffres, de démontrer la vérité du propos. Au demeurant, nous vous solliciterons pour illustrer la situation …

La troisième raison, complémentaire, est que finalement cela coûte beaucoup moins cher de sauver notre filière qui, en plus, a une fonction sociale d’apaisement du tissu social. Complémentairement, nous incarnons la jeunesse, personnel et clients. Mépriser la jeunesse c’est mépriser l’avenir.

Alors, je redouble d’énergie, je pousse les lignes, nos responsables mobilisent dans ce contexte difficile où nous ne pouvons condamner ceux qui préfèrent d’autres voies qui pour nous sont, actuellement, des impasses. Il FAUT arriver à un accord d’indemnisation très vite. C’est possible .

Mais il faut aussi préparer des conditions de redémarrage économique  au plus vite car nous ne voulons pas être des assistés. Là doit s’engager, en plus, une double négociation avec le Ministère de l’Intérieur et celui de la santé. Il n’est pas pensable, dans cette situation, que nous ne puissions louer nos salles, les exploiter aussi autrement bar, restaurant, spectacles etc…) quand c’est possible. Ce n’est pas la majorité mais il faut penser à ceux qui veulent et peuvent travailler autrement. Ce n’est certes pas (chacun connait ma réticence sur la dénaturation du métier et sur la perspective d’un vrai fiasco commercial) la solution mais cela est à mettre dans le “kit de survie” sans doute. Avec des “garde fous” (maintien des aides) en même temps. Le ministère de la santé doit aussi entendre notre voix: il n’est pas admissible de traiter (même sur le “simple” point de vue épidémiologique) différemment des établissements recevant du public entre eux, ni de laisser à la rue ou à l’anarchie le pouvoir de divertir.

On ne rouvrira pas le 21 sept. (date complètement inventée par une élue !) ni peut-être à la fin de l’état actuel d’exception qui se termine le 30 octobre. Mais la profession n’en peut plus ! Les syndicats, SNDLL en première ligne, sont prêts et décidés. La décision et la responsabilité quant au futur est entre les mains de M.GRISET, de ses collaborateurs, de ses collègues gouvernementaux.

Lundi, je repars avec me collègues à l’assaut de ces citadelles. Avec votre indispensable concours à tous.

Bien cordialement,

Patrick MALVAËS

“Les raisins de la colère”, superbe livre de John Steinbeck relate le terrible sort de la famille JOAD qui, face aux retombées de la crise de 1929, doit s’inventer, pour survivre, un nouveau destin en s’exilant dans son propre pays. La comparaison n’est peut-être pas neutre…PM