Suite à notre dernier article sur le travail clandestin, nous exposons une autre pratique illégale.
Qu’est ce que le prêt de main d’œuvre illicite ?
L’article L. 8241-1 du Code du travail pose le principe de l’interdiction du prêt de main d’œuvre à but lucratif à titre exclusif (sauf exception autorisée par la loi, ex : travail temporaire…).
Pour que le prêt de main d’œuvre soit considéré comme illicite, deux éléments cumulatifs doivent être constatés : le but exclusif et le caractère lucratif du prêt de main d’œuvre. Cela doit donc être distingué de la mise à disposition de personnel à titre gratuit.
- Le but exclusif du prêt de main d’œuvre
Le prêt de main-d’œuvre a un caractère exclusif dès lors que le seul objet du contrat conclu entre 2 entreprises est le prêt de personnel.
Pour déterminer si la mise à disposition de personnel est le but exclusif de l’opération, il convient d’examiner la finalité du prêt de main-d’œuvre.
En pratique, le juge va rechercher si la fourniture de personnel est nécessaire à la réalisation des travaux ou à la prestation de services demandés ou si le contrat a pour seule finalité un prêt de main-d’œuvre.
Le juge va ainsi s’appuyer sur les indices suivants :
- le contenu et l’objet réel du contrat : le prêt de main d’œuvre illicite est caractérisé si le seul objet de la convention entre deux sociétés est la fourniture de main d’œuvre et que l’opération a un but lucratif ;
- la spécificité ou le savoir-faire de l’entreprise prestataire : les juges considèrent comme illicite le prêt de main d’œuvre à but lucratif qui n’est pas justifié par la nécessité d’une transmission de savoir-faire ou par la mise en œuvre d’une technicité spécifique à l’entreprise prêteuse ;
- le mode de rémunération : lorsque la rémunération est calculée, non pas en fonction de l’exécution d’une tâche déterminée (de manière forfaitaire), mais uniquement sur la base, directement ou non des heures de travail accomplies, le contrat d’entreprise peut dissimuler une opération exclusive de prêt de main d’œuvre car cela démontre que seule la fourniture de main d’œuvre est rémunérée ;
- la fourniture de moyens et du matériel pour exécuter les travaux : lorsque l’entreprise utilisatrice fournit elle-même au personnel « prêté » le matériel utile pour exécuter les travaux, le contrat d’entreprise peut dissimuler également une opération exclusive de prêt de main-d’œuvre ;
- l’existence éventuelle d’un lien de subordination : le prêt de main-d’œuvre est qualifié d’illicite dès lors qu’est constaté un transfert du lien de subordination entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice.
- Le caractère lucratif du prêt de main d’œuvre
Le caractère lucratif du prêt de main-d’œuvre est retenu chaque fois que le personnel est mis à disposition d’une entreprise tierce utilisatrice par une personne physique ou morale dans l’objectif d’en retirer un bénéfice, un profit ou un gain pécuniaire.
Qui peut être sanctionné ?
- Les auteurs du délit (personnes morales et physiques) qu’ils soient les fournisseurs ou les utilisateurs de la main d’œuvre ;
- Tout complice : personne qui sciemment, par aide ou assistance, a facilité la préparation ou la consommation du délit de prêt de main d’œuvre
Quelles sont les sanctions encourues par l’employeur en cas de prêt de main d’œuvre illicite ?
- Sanctions pénales pour les personnes physiques
Le prêt de main d’œuvre illicite est sanctionné pénalement jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € ou de l’une de ces deux peines seulement. Ces peines sont portées à :
- 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise à l’égard de plusieurs personnes ou à l’égard d’une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur ;
- 10 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.
- Sanctions pénales pour les personnes morales
Les personnes morales peuvent se voir sanctionner d’une amende de 150 000 € et de peines complémentaires telles que notamment la dissolution de la personne morale, l’interdiction d’exercer des activités professionnelles ou sociales, la fermeture temporaire ou définitive des établissements ayant servi à commettre les faits incriminés…
- Sanctions civiles
Action du salarié : Lorsque l’opération de prêt de main d’œuvre est illicite, le contrat qui lie le fournisseur de la main d’œuvre et l’utilisateur est nul de plein droit.
Si l’opération de prêt de main d’œuvre a causé un préjudice au salarié, il pourra en demander réparation devant le conseil de prud’hommes ou en se constituant partie civile devant les tribunaux.
Action en justice des syndicats : en cas de prêt de main d’œuvre illicite, les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes actions en faveur d’un salarié sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.
- Sanctions administratives
Des sanctions administratives peuvent également être appliquées : suppression des aides publiques, remboursement des aides publiques déjà perçues, fermeture temporaire de l’entreprise.