PERIODE D’ESSAI ET RUPTURE

Une récente décision de la Cour de Cassation nous fournit l’occasion de revenir sur le formalisme attaché à la période d’essai et à son éventuelle rupture.

Rupture de la période d’essai après son expiration = licenciement sans cause réelle et sérieuse

Par un arrêt en date du 3 juillet 2024 (n°22-17.452), la Cour de cassation a rendu une décision dans laquelle elle rappelle que la rupture du contrat de travail qui intervient postérieurement à l’échéance de la période d’essai et à l’initiative de l’employeur doit être qualifiée de licenciement. Les raisons avancées par l’employeur pour justifier la rupture de la période d’essai intervenue après son expiration ne peuvent pas être prises en considération pour tenter de justifier le licenciement qui en résulte. Aucune possibilité de rattrapage n’est admise : le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, un salarié avait été embauché le 6 janvier 2015 en qualité de directeur commercial, avec une période d’essai de 6 mois.

L’employeur a mis fin à la période d’essai le 24 juillet 2015.

Le salarié avait alors saisi le Conseil de prud’hommes et obtenu la condamnation de l’employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse puisque la rupture de son contrat de travail était intervenue alors que la période d’essai était déjà expirée.

En appel, l’employeur soutenait que, puisque la rupture du contrat de travail était intervenue après expiration de la période d’essai et qu’elle devait s’analyser en un licenciement, il incombait alors aux juges d’examiner les motifs invoqués par l’employeur dans la lettre de rupture de la période d’essai pour déterminer si le licenciement reposait ou non sur une cause réelle et sérieuse.

Les juges du fond ont considéré qu’une lettre de rupture de période d’essai ne pouvait pas s’analyser en une lettre de licenciement, refusant ainsi d’en examiner le contenu. Rappelons à cet égard que par principe, la partie qui est à l’initiative de la rupture de la période d’essai n’est pas tenue de motiver sa décision.

L’affaire est portée devant la Cour de cassation. La Haute juridiction partage l’analyse des juges du fond et rappelle que la rupture de la période d’essai par l’employeur après l’expiration de celle-ci, doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce, sans à avoir à examiner les motifs invoqués par l’employeur dans la lettre de rupture du contrat de travail.

Cette décision rappelle la nécessité pour les employeurs qui souhaitent mettre fin à la période d’essai d’un salarié, de vérifier, outre le contenu du contrat de travail, la date de fin de la période d’essai.

Pour rappel, la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

En raison de son caractère dérogatoire, la période d’essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pasIl faut donc prévoir la durée et la possibilité de renouveler la période d’essai dans le contrat de travail.

Le calcul de la période d’essai diffère selon la nature du contrat (CDI ou CDD).

La durée initiale de la période d’essai d’un CDI :

• employés : 2 mois

• agents de maîtrise : 3 mois

• cadres : 4 mois.

Des durées plus courtes sont possibles si elles sont indiquées dans le contrat de travail.

La durée de renouvellement de la période d’essai d’un CDI :

Renouvellement de la période d’essai aux conditions suivantes :

-le renouvellement doit être prévu par le contrat de travail ;

-il doit être notifié par écrit avant l’échéance de la période initiale ;

-le renouvellement doit être expressément accepté par le salarié.

Il est limité dans sa durée :

– employés : + 2 mois sauf pour les salariés embauchés au niveau I échelon 1 pour lesquels on ne peut pas renouveler la période d’essai ;

– agents de maîtrise : + 3 mois ;

– cadres : + 4 mois.

L’accord du salarié pour le renouvellement de sa période d’essai doit être clair et non équivoque.

Par exemple, il ne peut être déduit de la seule apposition de sa signature sur un document établi par vos soins.

Il faut veiller à ce que le salarié appose sa signature ainsi qu’une mention complémentaire matérialisant son accord telle que « lu et approuvé, bon pour accord au renouvellement de la période d’essai »

La durée initiale de la période d’essai d’un CDD :

-Pour un CDD de moins de 6 mois : la durée de la période d’essai est égale à 1 jour travaillé par semaine, sans pouvoir excéder 2 semaines civiles.

Exemple : un CDD de 6 semaines peut prévoir un essai de 6 jours de travail, un CDD de 20 semaines peut comporter un essai de 2 semaines civiles au maximum.

-Pour un CDD de plus de 6 mois, la période d’essai ne peut excéder 1 mois.

Lorsqu’il s’agit d’un CDD à terme imprécis, la période d’essai se calcule à partir de la durée minimale du contrat.

La rupture du contrat de travail durant la période d’essai :

Chaque partie désirant rompre la période d’essai doit respecter un délai de prévenance dont la durée dépend du temps de présence du salarié dans l’entreprise :

Délai de prévenance en cas de rupture de la période d’essai par l’EMPLOYEUR :

-24 heures en deçà de 8 jours de présence ;

-48 heures entre 8 jours et 1 mois de présence ;

-2 semaines après 1 mois de présence ;

-1 mois après 3 mois de présence.

Délai de prévenance en cas de rupture de la période d’essai par le SALARIE :

-24 heures si sa durée de présence dans l’entreprise est inférieure à 8 jours ;

-48 heures dans les autres cas, quelle que soit sa durée de présence dans l’entreprise.

 

La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance. Celui-ci doit être imputé sur la période d’essai.

En pratique, en cas de rupture tardive de la période d’essai, si le délai de prévenance à respecter est plus long que la durée de la période d’essai à courir, la fin de celle-ci ne sera pas décalée pour autant. L’employeur ne peut pas exiger du salarié qu’il exécute le délai de prévenance jusqu’à son terme si celui-ci survient après la fin de la période d’essai.

Aussi, si l’employeur s’aperçoit qu’il est trop tard pour respecter le délai de prévenance, il doit veiller à rompre la période d’essai avant son expiration. A défaut, si la relation de travail se poursuit au-delà du terme de la période d’essai, le salarié est en droit de réclamer à son employeur des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sanctions du non-respect du délai de prévenance :

Lorsque le délai de prévenance n’a pas été respecté par l’employeur, son inexécution ouvre droit pour le salarié (sauf s’il a commis une faute grave) à une indemnité compensatrice égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance (article L1221-25 du Code du travail).

 

https://www.courdecassation.fr/decision/6684e95fa0de54ff609f7aab