LES LOYERS: JURISPRUDENCE ESSENTIELLE TRES UTILE …

Chers amis, chers confrères,

Je reviens sur la question des loyers et vous demande de bien vous reporter en urgence à mon précédent article du 19 décembre qui vous conseille la voie à suivre pour faire respecter vos droits en cas de contentieux.

Plusieurs décisions de justice viennent d’éclairer la question de la contestation devant les tribunaux du non-paiement des loyers. Faisons le point. C’est un peu “lourd” comme contenu à “digérer” mais il le faut !!! 😄Je vais essayer d’être “pédagogue” (pas gagné) 😅

Les mesures de fermeture imposées par le gouvernement ont provoqué de nombreux impayés ou retards de loyers commerciaux. On invoque en défense, classiquement,  plusieurs “moyens” (raisons) comme disent les juristes : la force majeure, la perte partielle de la chose louée (le local ne peut plus être exploité conformément à sa destination), le manquement du bailleur (le propriétaire) à son obligation de délivrance (donner un local pour une destination précise)… On en conclut qu’il y a de façon fondée “exception d’inexécution” par le locataire de ce fait et donc suspension ou retard du paiement des loyers de façon fondée.  Des décisions de justice commencent à déterminer le bien fondé de ces contestations. Synthèse rapide.

L’article 4 de l’ordonnance 2020-306 du 25 Mars n’a pas pour effet de suspendre le paiement des loyers et le contrat de bail doit être exécuté DE BONNE FOI par les parties. (Tribunal Judiciaire ou TJ de Paris 10 Juillet 2020, N 20/04516) qui se prononçait sur la période du 12 Mars au 23 juin 2020. Il est entendu que cet article interdit uniquement l’exercice de voies d’exécution forcée par le bailleur en vue de leur recouvrement.

Mais ce jugement précise “les contrats doivent être exécutés de bonne foi, ce dont il résulte que les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaires une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives“.  A ce stade on relèvera que la notion “d’exécution de BONNE FOI” est essentielle aux yeux du juge.

En clair: le bailleur (propriétaire des lieux) doit formuler son exigence d’un paiement immédiat (c’est pourquoi beaucoup le font, dans cette perspective) et propose un aménagement et en retour le preneur (le locataire) doit formuler une demande claire de remise (totale ou partielle) des loyers et/ou charges et solliciter un aménagement des obligations sur une période précise. D’où le “modèle” courrier que j’ai écrit il y a deux jours à votre intention. Ainsi on ne pourra que prendre en compte votre bonne foi.

Cette argumentation a été confortée par le TJ de PARIS le 26 Octobre dernier (N° 20/55901 et 20/53713) et ajoute concernant cette fois-ci l’invocation de la force majeure qu’elle est inopérante car il s’agit d’une obligation de somme d’argent. La force majeure ne constitue donc pas un ” remède ” en matière de bail commercial pour le juge des référés parisien. Ce jugement stipule aussi que le contexte sanitaire n’entraine pas en tant que tel un manquement à l’obligation de délivrance du propriétaire. En clair: ce n’est pas parce qu’il existe un contexte sanitaire particulier qu’on peut en déduire que le propriétaire en est responsable.

Quant à l’exception d’inexécution (le locataire ne paie pas au vu des circonstances) le juge dit qu’elle “doit être étudiée à la lumière de l’obligation pour les parties de négocier de bonne foi”. Là encore il faut  être en mesure, pour le locataire, de justifier par des échanges écrits s’être rapproché du propriétaire pour tenter de trouver une solution amiable”. Dans ce cas, a jugé le Tribunal la demande en paiement des loyers afférents au deuxième trimestre 2020 est sérieusement contestable. C’est un référé (sorte de “jugement provisoire  en urgence” dans l’attente d’un jugement au fond) et le propriétaire doit donc formuler sa demande au fond. Le 4 novembre 2020 le TJ de Boulogne sur mer a rendu une ordonnance de référé (N°20/00205) allant dans le même sens.

A ce stade on voit donc tout l’intérêt qu’il y a à suivre les conseils que je vous ai prodigués dans mon article du 19 décembre sur ce site. En droit, la bonne foi dans l’exécution des contrat est une règle d’ordre public, qui s’impose.

La cour d’appel de GRENOBLE, sur le fond cette fois, (CA GRENOBLE 5/11/20, N° 16/0453) donne, elle, raison au bailleur quant à l’exigence du loyer car le locataire n’avait soulevé que l’exception d’inexécution (dans cette affaire, le bail n’a pas subordonné le paiement des loyers à une occupation particulière des locaux ni à un taux de remplissage, mais c’est souvent le cas !), et la force majeure. Sur ce point, la Cour exige pour l’admettre que le locataire “justifie de difficultés de trésorerie rendant impossible l’exécution de son obligation de payer les loyers”. On prendra donc soin de préciser et rajouter dans son courrier au propriétaire les difficultés de trésorerie.

Par contre la Cour ne se prononce pas sur le fait qu’il y a perte partielle de la chose louée et que cela pourrait justifier une contestation des loyers. A suivre donc …. retenons simplement qu’i faut soulever en défense tous les moyens subsidiaires tels que la force majeure, l’exception d’inexécution, la perte temporaire de la chose louée ou encore l’imprévision (l’épidémie n’ayant pas pour autant, comme l’a dit le jugement de Grenoble, de “conséquences irrésistibles”).

Il apparait clairement que les juridictions veuillent inviter les contractants à aménager eux-mêmes les répercussions financières et économiques de la fermeture administrative. Cela va dans le sens de la politique judiciaire actuelle qui tend à promouvoir des modes alternatifs de règlement des différents. A défaut un abondant contentieux risque enliser les Tribunaux ! Le gouvernement n’avait qu’à mieux nous accompagner, après tout.

En conclusion, le comportement du locataire et ses tentatives pour trouver une solution amiable constituent un élément fondamental. Tout est donc affaire de circonstances. Mettez tous les atouts dans votre jeu !Le SNDLL a donc eu raison le 19 décembre de vous apporter ses conseils. 

Vaincre est un devoir, nous gagnerons !

Bonne journée,

Patrick MALVAËS

Nota: Cette note a été rédigée pour être utile à la défense de vos intérêts. Qui est mieux placé que le SNDLL pour vous éclairer également sur ce point ? Pour autant, il n’est pas question (ce serait matériellement et juridiquement impossible, que le SNDLL ou moi-même remplacions le travail de vos Conseils Avocats ou autres ! Ne m’inondez pas de dossiers individuels 🙏